Doc du mois : "à la pêche des moules" vraiment charentaise ?
Cette partition de la mythique « Pêche des moules », chanson française populaire connue de tous les âges a fait l’objet d’un vif débat lorsqu’elle fut interprétée par Jacques Martin...
Extraite d’un recueil de Jérôme Bujeaud publié en 1895 et intitulé Chants et chansons populaires des provinces de l’Ouest, cette partition de la mythique "Pêche des moules", chanson française populaire connue de tous les âges et de tout le territoire français a fait l’objet d’un vif débat lorsqu’elle fut interprétée par Jacques Martin à l’occasion de son émission télévisée "Le Petit Rapporteur" dans les années 1970. Cette reprise musicale a indigné une partie de l’opinion publique charentaise.
Les premières mélodies de cette chanson suffisent pour se rappeler de son air si entraînant et enfantin. Une chanson simple certes, mais il se pourrait bien que la grande majorité des personnes qui la fredonnent n’en connaisse, à tort, les véritables paroles.
UNE REPRISE QUALIFIÉE DE "MASSACRE DU FOLKLORE"
Dans un article publié dans Aguiaine : Revue de recherches ethnographiques de mars/avril 1976, le mécontentement des Charentais s’exprime vivement. Revendiquant l’origine charentaise de la chanson, reconnue très officiellement dans le magazine Télé 7 Jours en date du 13 décembre 1975, l’interprétation de Jacques Martin n’aurait rien à voir avec la version authentique. En effet, on y observe une différence de paroles. D’abord, dans la version ici présente, dite originale, on ne lit pas "à la pêche aux moules" comme beaucoup d’entre nous le chantons, mais "à la pêche des moules". De plus, et ce qui indigne fortement les partisans de l’originale, la mention des « garçons de Marennes » est gommée, remplacée par les "gens de la ville". Ces modifications, s’ajoutant au succès lié à l’importante médiatisation de cette version revisitée, a cristallisé les critiques, allant jusqu’à user du terme de « mutilation » pour témoigner de la gravité de l’action et évoquer un "massacre du folklore".
ALORS, VRAIMENT CHARENTAISE ?
Malgré ces revendications, force est de constater que ceux des Français qui connaissent la chanson chantent non pas la "Pêche des moules", mais bel et bien la "Pêche aux moules". En revanche, l’origine saintongeaise de la chanson, répandue et popularisée par le biais de recueils de chansons, souvent enfantins, jusqu’en Belgique à en croire Roger Pinon, membre de la Commission royale de folklore, ne serait que plausible, fondée sur le fait que cette dernière daterait du Moyen Âge, époque même où apparaissent les premiers bouchots dans la région.
En définitive, la version la plus connue de la chanson n’est par conséquent pas la version authentique mais folklorisée. Les paroles ont été adaptées certes, mais sa fonction première de chanson de bal, qui consiste à faire danser, demeure toujours présente dans les interprétations, à l’instar de celle de Jacques Martin et la fameuse "À la pêche aux moules", qui a conquis bon nombre de Français à l’exception, bien sûr, de certains Charentais.
Sources :
Jérome Bujeaud (Ed.), Chants et chansons populaires des provinces de l'Ouest, Poitou, Saintonge, Aunis et Angoumois, avec les airs originaux, Tome I, Niort, L. Clouzot, 1895, p. 143. [cote ADCM : MF 2087]
Aguiaine : revue de recherches ethnographiques, Tome 10, Grandjean : Société d'études folkloriques du Centre-Ouest, 1976, p. 152-153, 371 et 533.
Roger Pinon, « A la pêche aux moules, maman ». In : Aguiaine : revue de recherches ethnographiques, Tome 11, Grandjean : Société d'études folkloriques du Centre-Ouest, 1977, p. 252-255.
Pêche des moules