Doc du mois : Le Journal de l’habitation Fleuriau pendant l’année 1786
Découvrez une nouvelle page dédiée à l’histoire et à la mémoire de la traite négrière.
Dans le cadre du Mois des Mémoires, les Archives départementales vous proposent de découvrir leur nouvelle page dédiée à l’histoire et à la mémoire de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions
A cette occasion, découvrez un document inédit : le journal de l’habitation Fleuriau pendant l’année 1786.
Le document du mois
Ce document d’une trentaine de pages est un journal tenu par le gérant d’Aimé - Benjamin Fleuriau (1709-1787) à propos de l’habitation Bellevue de Saint-Domingue pour l’année 1786. Située à proximité de Port-au-Prince, fondée par Aimé-Benjamin Fleuriau en 1743, c’était une des plus grandes plantations de l’île. Il nous renseigne sur la vie quotidienne de la plantation, des planteurs et des esclaves. Les données sont exposées sous formes de tableaux comptables, de factures ou de prises de notes détaillées et datées.
Le fonds Fleuriau
Ce journal est issu du fonds Fleuriau de Bellevue, en cours de classement, conservé sous la cote 255 J aux Archives départementales. Il regroupe une grande diversité de documents tant par la forme (correspondances, actes notariés, cartes, croquis, carnets de voyage, arbres généalogiques, etc.) que par le contenu (commerce triangulaire, politique, agriculture, gestion des marais, recherches scientifiques, indications sur la vie quotidienne et les liens de sociabilité ou encore des catastrophes naturelles, etc.). Représentant 12 mètres linéaires, il a été constitué en plusieurs phases de collecte : microfilmages, achats et dons.
La famille Fleuriau est une des familles les plus emblématiques de La Rochelle. L’hôtel particulier Fleuriau, acheté en 1772 par Aimé-Benjamin Fleuriau, est aujourd’hui le Musée du Nouveau Monde. Une autre figure célèbre de cette famille est Louis-Benjamin Fleuriau de Bellevue (1786-1852), député et conseiller de la Charente Inférieure, conseiller municipal de La Rochelle et scientifique reconnu de son époque.
Un journal de planteur
Ce journal est un témoignage des activités d’un planteur, en 1786. Il regroupe des informations sur le quotidien de la plantation tels que les ventes de bétail ou de produits fabriqués, les achats pour la vie de l’habitation (matériel, vivres, etc.), les taux de mortalité et les naissances des animaux (chevaux, mulets, bœufs, vaches, veaux, gazelles, cochons, etc.), l’état des cultures (bananerie, patates, ignames, etc.), les arrosages, etc. C’est un document de gestion matérielle et comptable de l’exploitation agricole, dont l’activité principale est la production et la vente de sucre de cannes.
Ces données seront à recouper avec les autres documents du fonds : les régisseurs de domaine, probablement ici Jean-Baptiste Arnaudeau, peuvent parfois présenter une situation sous un jour favorable pour satisfaire le propriétaire.
Les conditions de vie des esclaves
Ce document permet également de connaître pendant une année les conditions de vie et les activités des esclaves sur cette plantation.
La première page du journal est consacrée aux esclaves travaillant sur la plantation. Ils sont classés et comptés selon quatre catégories : nègres (hommes), nègresses (femmes), négrillons (garçons de moins de 14 ans), négrittes (filles de moins de 14 ans). D’après ce document et les Inventaires du Mobilier, on estime le nombre d’esclaves à 300. Le début du journal nous donne aussi d’autres informations à leur propos comme la mortalité (10 morts en 1 an), les causes de décès (coqueluche, abcès, dentition, etc.), le nombre, les dates et les prénoms des femmes enceintes et d’autres détails sur les naissances.
Dans la suite du document, les « corvées », travaux communs au bénéfice de la colonie, entrepris par les esclaves et à quelques membres du personnel, sont recensées. Le nombre de jours d’absence des esclaves est indiqué. On apprend ainsi que certains ont participé au creusement, à l’entretien de canaux et à d’autres travaux collectifs. Ainsi, le 20 novembre 1786, 45 « nègres » ont été envoyé « pendant trois jours de suite aux travaux du grand chemin Royal ».
Les travaux relatifs à la plantation sont précisés jour par jour avec parfois des indications d’heures dans une partie spécifique du journal. On voit ainsi que les esclaves et le personnel ont : coupé les cannes, travaillé avec le moulin (roulaison), planté, ou sont allées chercher des vivres en ville.
Selon l’historien Jacques de Cauna, dans Fleuriau, La Rochelle et l'esclavage : trente-cinq ans de mémoire et d'histoire (Paris : Les Indes Savantes, 2017), « compte-tenu des conditions locales et de l’époque, l’état sanitaire général est relativement satisfaisant. On a affaire à une plantation bien tenue ».
Ce journal de plantation donne un aperçu à un moment donné d’une exploitation à Saint-Domingue. La fin du classement de ce fond privé permettra sa mise à disposition au public pour contribuer à une meilleure connaissance de cette période de notre histoire.
Doc du mois : Le Journal de l’habitation Fleuriau pendant l’année 1786