Publiée le 2 mai 2018

Actualité

Le notaire par Barthélemy Gautier

Document du mois d'avril des Archives départementales de la Charente-Maritime : gravure caricaturale par Barthélemy Gautier.

La caricature intitulée « Fantaisie, n°54 » est une gravure conservée dans les fonds iconographiques des Archives départementales de la Charente-Maritime, sous la cote 53 Fi 123. Elle est actuellement présentée dans l’exposition Archivistes et notaires, toute une histoire ! jusqu’au 22 juin 2018.

Le notaire, personnage de caricature au XIXe siècle

La figure du notaire a fait l’objet de représentations multiples depuis la période médiévale : peinture, gravure, littérature, musique, plus récemment bande dessinée… Intimement lié à la vie quotidienne, le notaire n’échappe pas à la caricature. À partir du XIXe siècle, de nombreux artistes, comme Daumier, Bouchot ou De Cari fournissent des dessins satiriques à la presse spécialisée telle que La Caricature, Le Rire, Charivari. Barthélémy Gautier est l’un d’entre eux.

L'auteur : Barthélemy Gautier

Né en Saintonge, à Pons, en novembre 1846, Barthélemy Gautier porte un regard acerbe sur le monde rural saintongeais et sur ses habitants, croquant aussi bien les paysans que les bourgeois, les membres du clergé ou de la justice. Il n’a de cesse de représenter les dérives de deux mondes qu’il connaît bien : le milieu rural saintongeais et le milieu parisien.
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La caricature

Vous avez donc juré de déshonorer le notariat… ?

Sur cette gravure, un homme debout, d’allure bourgeoise, le notaire, s’adresse à un autre homme, plus jeune, assis à son bureau, le clerc du notaire ; sur le mur, un amoncellement d’affiches « À vendre » et au bas de la gravure, une réplique, en patois saintongeais, adressée par le notaire à son clerc.

«  - Quelle odeur !!! c’est vous, môsieu Ambroise qui avez pipé ?… A ça mais vous avez donc juré de déshonorer le Notariat avec votre tabac et vos moustaches ? »

La tenue vestimentaire du notaire est assez négligée et ridicule à bien y regarder (long manteau ouvert, bretelles ou ceinture dépassant, parapluie cassé), le trait de crayon accentuant le côté froissé des vêtements et usé des chaussures.

Le clerc, quant à lui, présente une attitude plus agréable (veste courte non fripée, chaussures propres, cheveux et moustaches bien taillées). Fumer et porter la moustache à la fin du XIXe siècle est à la mode, symbole de modernité.

Le notaire saintongeais reproche donc à son clerc une attitude déshonorante pour le notariat. Ajoutons qu’à cette époque, le port de la moustache est en partie réglementé. Obligatoire pour certaines professions comme les gendarmes ou le corps militaire, elle est en revanche proscrite à d’autres comme les notaires, les avocats, les gens de maisons ou les comédiens.

Un notaire de campagne ne doit ni fumer, ni porter la moustache. B. Gautier montre ici deux mondes que tout oppose, modernité urbaine et ruralité.

Un monde qui change

La Charente est touchée, vers 1872, par la crise du phylloxera qui décime les vignobles. Une crise économique couplée à un exode rural qui mettent à mal l’économie de la région. Les nombreuses affiches « À vendre » placardées dans le bureau du notaire, chez qui peuvent se vendre maisons, fermes et terres, sont probablement le reflet de cette situation et apparaissent comme une dénonciation de ce « mauvais rôle ».

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la profession de notaire est aussi touchée par la crise. D’une part, l’absence de réglementation tarifaire et de tenue de livres de compte laisse la place à des pratiques illicites chez certains notaires. D’autre part, la concurrence des premières banques fait perdre leur place d’interlocuteur privilégié au notaire auprès des habitants.

Cette gravure est donc une illustration d’un monde où ceux qui étaient considérés comme des éclaireurs, des personnes-clés de la société, garantes de la propriété et de l’authenticité, voient, en cette fin du XIXe siècle, leur rôle amoindri et leur place au sein du monde rural sensiblement changer.

Références :

  • Notice rédigée à partir de l’étude de Léa Vince et Agnès Lagarrue dans le cadre de l’enseignement sur le traitement des sources écrites du Master 2 Histoire et Patrimoine de l’Université de La Rochelle.
  • Geneviève Étienne et Marie-François Limon-Bonnet (Dir.), Les archives notariales : Manuel pratique et juridique, Paris : La Documentation française, 2013.

Fantaisie N° 54 - Le notaire par Barthélemy Gautier

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Fantaisie N° 54 - Le notaire par Barthélemy Gautier